Comment expliquer la présence d’une œuvre d’art aussi prestigieuse dans une ville qui n’a jamais compté dans son histoire plus que quelques milliers d’habitants ? Thann était autrefois la ville d’un grand pèlerinage, où l’on venait de toute l’Europe vénérer une relique de Saint-Thiébaut, son patron, évêque de Gubbio en Italie, mort dans son diocèse en l’an 1160.

La construction d’une petite église de pèlerinage en l’honneur du Saint remonte à la 1ère moitié du XIIIe siècle.
C’est le conseil de la ville qui, à l’époque, gère les finances du pèlerinage et la construction de l’église. Les fonds nécessaires proviennent de la famille d’Autriche et des offrandes déposées par les pèlerins.
Au 1er tiers du XIVe siècle commencent les travaux de la collégiale actuelle, dont les murs enclavent peu à peu le sanctuaire primitif tout en le conservant au besoin du culte.

Sa construction s’étale sur deux siècles et ce n’est qu’au début du XVIe siècle que s’achèvent la tour octogonale et sa flèche sous la direction du célèbre architecte bâlois Rémy Faesch.

Les 3 formes de gothique y coexistent : primitif, rayonnant et flamboyant.
C’est, avec la cathédrale de Strasbourg, l’édifice le plus représentatif du gothique rhénan en Alsace. Son grand portail est unique en France et rare en Europe : les 3 tympans rappellent en 150 scènes la vie de la Vierge, la Nativité et la Crucifixion ; 512 personnages les animent.

Pourquoi une Collégiale ?

Une Collégiale est une église dans laquelle s’est installé un Collège de chanoines. Celle de Thann doit son nom au Collège de Saint-Amarin venu s’y installer en 1442. Elle fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis 1841.

La légende de saint Thiébaut

Une belle légende relate les origines de Thann.

Ainsi en l’an de grâce 1160 meurt à Gubbio (Ombrie en Italie), l’évêque Thiébaut.
Ayant distribué toute sa fortune aux pauvres, il avait promis à son serviteur d’origine lorraine, de le dédommager en lui léguant son anneau épiscopal. Mais après la mort de l’évêque, en voulant retirer l’anneau, le serviteur lui arrache le pouce droit. Il place le tout dans l’alvéole de son bourdon (bâton de voyage) et, après avoir traversé les Alpes, il arrive en 1161 à l’emplacement actuel de l’église couvert de sapins.

Adossant son bâton à l’un deux, il s’endort. Au moment de reprendre sa route, à son réveil, il constate avec effroi que son bâton est comme enraciné dans le sol.
La même nuit, le comte de Ferrette, seigneur du château de l’Engelbourg dont les ruines dominent aujourd’hui la ville, voit trois lumières au-dessus de l’arbre. Dès l’aube, il se rend sur place et y trouve le serviteur qui lui raconte son histoire.

Le châtelain, voyant dans ce prodige la volonté de Dieu, fait le vœu d’ériger à l’endroit même une chapelle et aussitôt le bâton se libère.
Chaque année, le 30 juin au soir, une grande fête populaire célèbre cette légende par la « Crémation des 3 sapins » sur la place de la Collégiale.

En réalité cette vision poétique n’est pas tout-à-fait conforme à la réalité historique.
Initialement placée sur l’ancienne route romaine, devenue voie commerciale qui relie l’Italie à l’Europe du Nord, Thann s’est développée au XIIIème siècle autour du péage établi par les seigneurs des lieux, les comtes de Ferrette. Ce péage était protégé par le solide château de l’Engelbourg.